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Coquetterie masculine au Barbier Le Gentlemen

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Le salon Barbier le Gentlemen vient tout juste de déménager au 431, 3e Avenue, dans un local spacieux. À mon arrivée, j’attends mon tour sur un divan en cuir fort moelleux, avant de m’installer dans la chaise vintage de mon barbier. Francis m’accompagnera pendant la prochaine heure, pour un moment de détente des plus mémorables.

« V’là quelques années, c’était les baristas, il y a eu aussi les mixologues, et là, c’est nous autres », répond Francis quand je lui demande d’où ça vient, le retour du phénomène du barbier. La Hollande aurait quelque chose à y voir ; d’ailleurs, Francis doit s’y rendre sous peu pour un stage d’observation. Mais en ce qui le concerne, il m’avoue avoir eu la piqûre grâce à un ami de Gaspésie qui aurait deviné chez lui des atouts pour le métier.

Trêve de bavardage : je prends la totale, la coupe de cheveux et la taille de la barbe. Je ne donne pas beaucoup d’instructions pour ma coupe : long sur le dessus et très court sur les côtés. Pour le reste, je m’abandonne à l’inspiration du barbier. Le résultat, à la Elvis, se révélera concluant.

La coupe

Les petits coups de lame tranchante qui contourne mes oreilles confirment une dextérité insoupçonnée. On dégrade le bas de mes cheveux en donnant de la brosse, ce qui est nouveau pour moi. La brosse sert à dégager les mèches de cheveux mouillés pour mieux observer le progrès. Ces moments un peu chirurgicaux sont tout à fait délicieux.

Notre calvaire à chaque rasage, n’est-ce pas, c’est le maudit poil sous la narine ! On me le coupe délicatement en entier. Par la suite, Francis m’empoigne le philtrum pour tondre mes pousses hitlériennes et pince le bas de mes lèvres pour me raser franchement le plumeau. La dernière fois qu’on m’avait touché à ces endroits, j’étais chez le dentiste.

Les silences

Il y a des moments de silence convenus. Cette case vide dans laquelle les hommes aiment se réfugier et qui peut parfois être déstabilisante. Francis me balance vers l’arrière à l’aide du mécanisme bien huilé de sa chaise ancienne ; les vieilles affaires sont souvent les meilleures. Il m’appose alors une serviette bien chaude dans le visage et je n’y vois plus rien. Il quitte cinq minutes sans me dire pourquoi.

Le moment de solitude

Francis part vérifier le travail d’un collègue qui coiffe mon voisin, un garçon d’environ huit ans. Je pense : « Ce que j’aurais aimé que mon père m’amène chez le barbier, petit. » Après ce bref moment, Francis revient et lève ma serviette. La peau de mon visage est complètement détendue et ouverte.

Il appose deux fois plutôt qu’une, avec son pinceau, la meilleure mousse de tous les temps qui  sent bon. Sa lame, affûtée comme un sabre japonais, coupe à blanc. Elle est impitoyable et ne laisse que la racine.  Francis enlève les restants de mousse et appose de suite une compresse d’eau froide sur mon visage ; la sensation de bien-être est immense. Il quitte encore cinq minutes pour revoir son collègue et fixer un dernier rendez-vous. Cette impression de père absent me rappelle des souvenirs douloureux.

Moment de solitude sous cette serviette blanche qui couvre ma vue à nouveau. Je pense aux masques que certaines femmes apposent parfois sur leurs visages avec des rondelles de concombre sur les yeux et je comprends désormais ces abandons à la coquetterie. Nous, les hommes, nous nous en donnons rarement l’occasion et je me dis : « Je prendrai le temps de m’aimer davantage. » Francis étanche les larmes de mes yeux en soulevant la serviette de mon visage sans qu’il s’en rende compte. Un moment que je garde incognito.

L’extase brûlante

Le moment dont je rêvais arrive enfin ! « Attention, ça va brûler un peu… » Le barbier applique sur mon menton propre un alcool qui brûle comme de l’huile sur la poêle chaude. Une douleur sensass ! Un tour de manège que je recommencerais encore et encore !

La coupe, la barbe et l’expérience coûtent 42$. Le moment des becs sur les joues de la photographe qui s’aperçoit que ça sent très bon est inestimable. Cela m’incite à m’équiper d’une lame, d’une mousse et d’un alcool fort. Je vais assurément retourner au Barbier Le Gentlemen pour un autre moment de détente, pour m’équiper ou pour tout simplement faire connaître l’endroit à un de mes neveux.

J’ai conservé ma repousse de barbe hirsute trois jours. Je l’aurais gardée plus longtemps si je ne travaillais pas avec le public.

Barbier Le Gentlemen
431, 3e Avenue
418 204-1199

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